2006-01-18

Blogues à part

© 2005, Hugo Sinclair-Joncas.

Ces dernières années ont vu l’apparition et la montée en puissance d’une nouvelle créature dans la Toile : le blogue (ou «blog»). Ces pages Internet, aussi appelées «carnets Web» ou «cybercarnets», sont interactives, facilement et rapidement modifiables. Il s’agit en fait de sites «ayant la forme d'un journal personnel, daté, au contenu antéchronologique et régulièrement mis à jour, où l'internaute auteur peut communiquer ses idées et ses impressions sur une multitude de sujets, en y publiant, à sa guise, des textes, informatifs ou intimistes, généralement courts, parfois enrichis d'hyperliens, qui appellent les commentaires du lecteur» (
Office de la langue française, 2005).

Comme le souligne Will Richardson (
eschoolnews.com, 2004), professeur et blogueur américain, cette nouvelle forme de page Web permet à l’internaute de passer du statut de simple lecteur à celui d’«auteur», voire d’«éditeur». Les implications sont énormes dans tous les domaines qui touchent de près ou de loin le réseau Internet. En politique, l’importance capitale des cybercarnets tend à avantager la droite américaine dans son combat pour gagner la faveur populaire. Les démocrates en sont aujourd’hui à tenter de rattraper le temps perdu à ce chapitre (Glater, 2005).

Dans le monde médiatique, de nombreux carnetiers revendiquent un traitement et des protections équivalentes à celle des journalistes aux États-Unis (Glater, 2005). Les travailleurs de l’information, eux, consultent de plus en plus les blogues à l’affût de scoops et d’idées de sujets.

Blogues et pédagogie

Pour plusieurs raisons (accessibilité des ordinateurs, protection de la vie privée, sécurité), le monde de l’éducation a mis plus de temps à s’intéresser aux cybercarnets (
Richardson, 2004). À tous les niveaux scolaires, cependant, des enseignants découvrent aujourd’hui les avantages de cet outil multimédia pour favoriser de meilleurs apprentissages chez leurs élèves.

Dans son
blogue, un professeur de la faculté d’Éducation de l’Université de Regina, Alec Couros (2004), a dégagé cinq caractéristiques fondamentales des cybercarnets : interaction, simplicité, centration sur l’élève/le participant, prolongation de l’apprentissage, rétroaction immédiate et efficace.

Il fait référence à l’expérience de Marisa L. Dudiak, rapportée par Jeffrey Selingo dans le
New York Times (2004). L’enseignante du Maryland a d’abord emmené son groupe de deuxième année visiter une ferme autochtone. De retour en classe, elle les a enregistrés au cybercarnet de la classe. «Ça leur a permis d’interagir avec leurs pairs plus rapidement que dans un journal», assure la professeure, qui peut elle aussi «réagir immédiatement à ce que disent les élèves». Un consultant en éducation, Peter Grunwald, ajoute que «le travail requis pour tenir à jour un blogue intéressant est réalisé par les élèves» (Selingo, 2004).

Pour illustrer ce propos, voici une autre intervention à ce sujet glanée sur la «blogosphère». En citant le professeur-blogueur américain Will Richardson (2004), Jean-Pierre Cloutier (2004) y réalise le plein potentiel de l’outil. Il ne se contente pas de rapporter ses propos : il les traduit, les synthétise et les commente pour le bénéfice des lecteurs de
son propre cybercarnet, hébergé par le site des Chroniques de Cybérie :
«[…] pour Richardson, l’écriture est précédée par une étape de pensée critique. “Je dirais que penser comme un blogueur est plus important qu’écrire comme un blogueur” affirme-t-il (Cloutier, 2004).

«Le processus s’amorce par la lecture de ce que d’autres ont écrit et l’analyse de ce contenu en fonction de l’exactitude et/ou de la pertinence, écrit-il. On établit ensuite des rapports entre ce contenu et d’autres idées pour clarifier ce qu’il est important d’en faire ressortir. Vient ensuite l’ajout d’expériences et de notions personnelles pour adapter le contenu au lectorat pressenti, et on complète par des liens pour retracer l’origine des informations et des idées.» (Cloutier, 2004).

L’utilisation pédagogique des blogues se décline sur plusieurs modes, comme le mentionne Mario Tomé (2004),
qui en explore les applications pour l’enseignement du français, langue étrangère à l’Université de León, en Espagne. «Ils ont deux modalités : a) système un seul auteur/administrateur; b) système multi-auteur avec un groupe à l'intérieur d'un même Carnet Web», écrit-il. Les projets et les tâches qu’ils permettent de réaliser peuvent être individuels ou collectifs. Les cybercarnets peuvent constituer un vrai cahier de travail pour les étudiants, peuvent favoriser la motivation tant pour le travail en groupe qu’individuel et prennent plusieurs formes : exercices, tâches, débats, mise en commun… (Tomé, 2004)

Le chercheur dégage cinq types de blogues éducatifs (Tomé, 2004). Les voici :
«
1. Le blogue comme journal, page de ressources ou site pédagogique;
2. Le blogue comme recherche ou expérience pédagogique;
3. Le blogue comme espace de communication ;
4. Le blogue comme projet pédagogique ;
5. Le blogue comme espace d'enseignement

Ces catégories seront reprises dans cet article dans le but d’expliquer comment les blogues peuvent être utilisés en éducation.

1. Le blogue comme site pédagogique

«C'est la fonction élémentaire et la plus répandue sur Internet. Un blogue prend la forme d'un journal ou site personnel où l'on rassemble des textes, des liens ou des images. Le carnet Web se présente ainsi comme un site Web conventionnel qui élabore et transmet de l'information.» (Tomé, 2004).

Ce type de blogues est plutôt classique : il sert surtout de site de référence sur certains sujets. Tomé (2004) donne l’exemple des
Coups de langue de la grande rousse. Il s’agit en fait du «cybercarnet d’une appassionata de la langue de Molière», comme Dolores Tam se désigne elle-même. Le blogue est constitué de rubriques sur la langue française : des corrections, des conseils, des réponses à des questions posées par des internautes...
Ce type de blogues peut couvrir tous les sujets, des nouvelles technologies de l’information et des communications (comme le fameux
Verres stérilisés du journaliste technologique Michel Dumais) à l’environnement, en passant par l’éducation et les animaux.

2. Le blogue comme recherche ou expérience pédagogique, ou blogfolio

Ici, une définition du «portfolio» s’impose : il s’agit, selon le
ministère de l’Éducation (2002), d’«une collection de productions qui permet de suivre la progression des étudiants tant sur leurs points forts que sur leurs points faibles, ce qui met l’élève sur la piste des éléments qu’il doit améliorer». Or, les logiciels conçus pour gérer ce genre de documents sur Internet ont le défaut d’être inutilement difficiles à utiliser, selon certains enseignants. Question d’alléger les procédures, de nombreux professeurs délaissent paperasse et logiciels compliqués pour exploiter la simplicité des cybercarnets (Selingo, 2004).

«La dimension historique du journal (weblog) permet de raconter les différentes étapes d'une recherche ou d'un parcours pédagogique,
écrit Mario Tomé (2004). L'interface des blogues favorise l'organisation des contenus par ordre chronologique du plus récent au plus ancien, et permet de créer de nombreux liens internes (archives) ou vers d'autres sites Web.»

Des possibilités dont profite Mario Asselin, directeur de l’
Institut Saint-Joseph de Québec, une école primaire privée qui mise énormément sur le blogue et le blogfolio. Et il pratique lui-même ce qu’il prêche : son «cyberportfolio professionnel», Mario tout de go, est connu dans toute la blogosphère francophone. Il y fait état de ses réflexions sur l’éducation ainsi que de ses recherches et de ses expérimentations du blogfolio avec ses écoliers de cinquième et de sixième année, avec qui il a mis sur pied le projet CARRIERE. Il s’agit en fait de la chronique quotidienne de l’apprentissage des élèves de l’école. Le 31 mars 2005, le cybercarnet faisait état d’un prix gagné par l’une des enfants de Saint-Joseph à Expo Science. Un court vidéo de sa présentation pouvait même être téléchargé. En plus de quelques annonces, des liens vers un devoir d’anglais sur les verbes irréguliers se trouvaient aussi dans le blogfolio.

Le projet vise à «permettre l'exercice de la différenciation pédagogique, selon Asselin. Le but est de mieux faire apprendre à écrire, lire, compter, dans un contexte de situations authentiques où tout le monde ne fait pas nécessairement la même chose en même temps» (
Michel Dumais, 2004).

Les applications possibles sont aussi nombreuses que les disciplines académiques. Texte, images, vidéo, documents sonores… tout peut être intégré aux blogfolios. Pam Pritchard, de Lebanon, en Ohio, en a mis un sur pied pour son cours de phonétique anglaise. Elle enregistre ses élèves, puis met en ligne les documents audio ainsi produits pour qu’ils puissent les écouter à la maison et améliorer leur prononciation (
Richardson, 2004).

3. Le blogue comme espace de communication

Le cybercarnet présente également l’avantage non négligeable de permettre un échange rapide, non seulement entre les élèves de la classe et leur professeur, mais également avec les parents des élèves ou des experts de l’extérieur. Le directeur de l’Institut Saint-Joseph a exploité cet atout en mettant sur pied un «
Espace collaboratif de construction [des] apprentissages». Ce blogue vise notamment à «favoriser le socio-constructivisme pédagogique», selon Mario Asselin (2004). Un «mini-colloque sur l’utilisation des carnets à des fins d’apprentissage» s’y est tenu et «des contributeurs externes» ont été invités à «mettre leur grain de sel» dans le débat. La motivation de produire des textes intéressants pour tous les internautes – et non seulement pour les élèves de la classe – constitue d’ailleurs un puissant stimulant pour les écoliers, selon Asselin (Dumais, 2004).

4. Le blogue comme projet pédagogique

Bien qu’ils restent des «outils» d’apprentissage, les cybercarnets peuvent parfois se trouver au centre même de certaines activités. Le but est alors de «mettre en place des parcours, des scénarios pédagogiques ou des projets de travail collaboratif pour actualiser une pédagogie de coopération (accompagnement, résolution de problèmes, débat ou mise en commun) ainsi que faciliter la mutualisation des savoirs» (
Tomé, 2004).
Le chercheur de l’Université de León donne l’exemple du
Literacy & Technology Instructor’s EduBlog de Lynne Jordan, professeure de littérature à l’Université d’État de Géorgie. Le cybercarnet vise à donner une idée des applications du blogue qu’elle et ses étudiants ont développées pour l’enseignement de la littérature (Tomé, 2004).

5. Le blogue comme espace d'enseignement

À l’Institut Saint-Joseph et à l’Université de León, des expériences font du cybercarnet le lieu même de l’enseignement. Le blogue remplace alors la classe et tous les échanges se font par ce médium (
Tomé, 2004).
Par exemple, sur l’un des cybercarnets de l’institution espagnole,
ÉDUfrançais 2004, les étudiants pouvaient ouvrir un fichier audio, écouter une dictée et la transcrire sur le blogue en simultané (Tomé, 2004).

La syndication

L’espace manque pour porter au sujet l’attention qu’il mérite. Qu’il suffise de mentionner qu’un procédé existe pour éviter de devoir parcourir un à un les dizaines de blogues susceptibles d’intéresser un élève ou un enseignant. Ce procédé, c’est la «syndication», ou RSS, pour «rich site summary» ou «real simple syndication», selon les auteurs. Il s’agit en fait de moteurs de recherche pour cybercarnets : des sites qu’on appelle «agrégateurs» lancent des recherches à partir des mots-clés tapés par l’utilisateur.

Si, par exemple, la requête «(blog* OU cybercarnet OU (carnet ET Web)) ET education)» est lancée, l’agrégateur répertorie tous les blogues traitant de ces sujets. Ensuite, l’internaute n’a plus qu’à ouvrir la page, où son profil est enregistré, pour avoir accès à ses cybercarnets préférés. «L’agrégateur vérifie […] régulièrement les sites choisis, signale tout changement à leur contenu et place les nouveaux messages dans des dossiers qui n’attendent qu’à être lus», explique Will Richardson (
2004).

Le spécialiste américain des blogues insiste : cette technologie offre des possibilités remarquables aux professeurs. «En classe, les enseignants dont les élèves créent leur propres cybercarnets peuvent facilement garder la trace de ce qu’ils publient en s’inscrivant à leurs blogues et en consultant régulièrement leur agrégateur», écrit-il (Richardson, 2004).

La plupart des technologies de syndication sont gratuites. Par contre, un grand nombre d’entre elles requièrent le téléchargement d’un logiciel, comme
blogger.com et moveabletype.org. Ce n’est pas le cas de bloglines.com, dont l’utilisation se fait entièrement en ligne. Cet engin de recherche fonctionne donc à peu de choses près comme Google, mais se concentre sur le répérage de mots-clés dans les blogues.

Controverses

Ces derniers temps, les utilisateurs pédagogiques de cybercarnets ont eu à justifier l’utilisation qu’ils en font. En France, par exemple, un problème est survenu avec les pages de
Skyblog, un site visant spécifiquement les jeunes internautes, qui peuvent y tenir leurs cybercarnets. Ces blogues n’étaient pas réalisés dans le cadre scolaire, mais des photos avec commentaires insultants, caricatures et injures à l’endroit de professeurs et d’élèves de certains collèges ont circulé, menant à l’expulsion de huit élèves (Le Monde, 2005). La mesure a cependant été jugée exagérée par un grand nombre d’intervenants de l’éducation (Le Nouvel Observateur, 2005). Cette histoire a été mentionnée dans tous les journaux et les bulletins télévisés de l’Hexagone. Une interdiction des blogues a même été réclamée par certaines personnes et des collèges ont interdit leur fréquentation sur les ordinateurs institutionnels.

En Suisse, une professeure a été prise à partie dans un article après que les blogues créés dans le cadre de son cours aient été envahis de messages indésirables, dont certains pourriels pornographiques (Luc-Olivier Erard, 2005).

Au Vermont, le directeur d’une école secondaire a interdit le blogue en disant que l’activité n’était «pas éducationnelle», après avoir découvert que des élèves laissaient des informations personnelles sur leurs cybercarnets (Doctorow, 2005).

De façon plus constructive, un
protocole a été mis sur pied par une enseignante de l’Université d’État de Géorgie, Anne Davis (2005), pour savoir comment réagir quand des commentaires orduriers atterrissent dans le cybercarnet de ses élèves. Il prévoit avant tout que ces messages doivent être effacés le plus vite possible par le professeur, mais que si certaines interventions inappropriées arrivent quand même aux yeux des étudiants, ils doivent tout simplement être ignorés. Aucune réponse ne doit être écrite.

En France, un programme de sensibilisation des élèves à la morale et à l’éthique propres au réseau des réseaux est mené par une société de conseil, en collaboration avec l’Éducation nationale, dans les collèges français. «Notre ambition est d'aider les enfants à développer une démarche morale et citoyenne en aiguisant leur sens critique, en diversifiant leurs pratiques et en les sensibilisant aux risques du multimédia», explique-t-on dans l’article de Laurance N’kaoua, du journal Les Échos (2005).

Autres applications possibles

Selon moi, les utilisations imaginables des blogues sont quasi infinies. Les cyberportfolios peuvent être utilisés dans tous les cours. En journalisme, mon domaine de spécialité, le potentiel des carnets Web est évident : cela devient une façon de publier les textes des étudiants dans Internet sans s’embarrasser de lourdes exigences techniques.

Dans toutes les disciplines, les blogues permettent de décloisonner la classe. Disponibles sur toute la planète, enseignants et élèves peuvent inviter des experts du monde entier à y participer, à condition d’y tenir un contenu intéressant, qui attirera les carnetiers. Cela devient un facteur de motivation important pour des étudiants du collégial, qui commencent à s’intéresser plus spécifiquement à certaines disciplines.

La génération des élèves de cinquième et sixième année de l’Institut Saint-Joseph qui, aujourd’hui, apprend avec Mario Asselin à manier ce média, intègre du même coup une éthique propre au médium qui reste inconnue de la plupart de leurs aînés. Un
«credo» de qualité du français a par exemple été institué par le directeur.

Au niveau collégial, ces jeunes internautes auront donc acquis une connaissance approfondie du médium et exerceront peut-être un meilleur jugement que leurs aînés en ce qui a trait au réseau des réseaux. Ils auront notamment, espérons-le, acquis le réflexe de soigner leur langue en ligne. Les initiatives de sensibilisation aux «dangers» que présente la Toile auront peut-être porté fruits.

Et à leur entrée au cégep, au rythme où se développe la technologie, les jeunes internautes qui se familiarisent aujourd’hui avec l’outil pourront probablement réaliser sur leurs cybercarnets des prouesses qu’on peine aujourd’hui à imaginer !

Bibliographie

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http://cyberportfolio.st-joseph.qc.ca/mario/

Asselin, Mario. Projet CARRIERE. [Blogue consulté le 28 mars 2005] à l’adresse
http://cyberportfolio.st-joseph.qc.ca/carriere/

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Doctorow, Cory (2005). Principal bans blogging: "not educational". Boingboing. [Blogue consulté le 28 mars 2005] à l’adresse
http://www.boingboing.net/2005/03/30/principal_bans_blogg.html

Dumais, Michel (2004). Technologie: les NTCI au service de l'école et de ses élèves. Le Devoir. [Consulté le 27 mars 2005] à l’adresse
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Dumais, Michel. Verres stérilisés. [Blogue consulté le 24 mars 2005] à l’adresse
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Jordan, Lynne. Literacy & Technology Instructor’s EduBlog. [Blogue consulté le 28 mars 2005] à l’adresse
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Richardson, Will. Weblogg-ed. [Blogue consulté le 27 mars 2005] à l’adresse
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Richardson, Will (2004). Blogging and RSS — The "What's It?" and "How To" of Powerful New Web Tools for Educators. Information Today, Inc. [Consulté le 26 mars 2005 à l’adresse
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Selingo, Jeffrey (2004). In the Classroom, Web Logs Are the New Bulletin Boards. The New York Times. [Consulté le 27 mars 2005] à l’adresse
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Tam, Dolores. Les Coups de langue de la grande rousse. [Blogue consulté le 29 mars 2005] à l’adresse
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Tomé, Mario (2004). Blogs/carnets Web. Université de León, Français, langue étrangère. [Consulté le 27 mars 2005] à l’adresse
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Université de León, Français, langue étrangère. ÉDUfrançais 2004. [Blogue consulté le 27 mars 2005] à
l’adresse
http://www.blogg.org/blog.php/EDUfrançais2004/316/

L'enseignement collégial et les TIC : occasions de responsabilité de l'enseignant

(C) 2004, Chantal Galipeau.

L’intention première de cet article fut de survoler quelles pouvaient être les occasions de responsabilité soulevées par l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) par les enseignants au collégial et ce, d’une façon générale (eg. atteinte à la vie privée, comportements illicites des étudiants sur le forum de classe, pornographie, atteinte au droit d’auteur). Or, plusieurs interventions en classe nous ont fait réaliser que le droit d’auteur est la source première des préoccupations des futurs enseignants au collégial : « Que puis-faire avec une image récoltée sur le web? », « L’auteur rendant disponible son œuvre sur le web n’a-t-il pas l’intention implicite de la libérer de ses droits d’auteur? », « N’y a-t-il pas une exception au droit d’auteur dans le cadre de l’enseignement? », « Qu’en est-il des présentations faites par mes étudiants qui seront publiées sur le site web du cours? », « Mon devoir de surveillant s’étend-il dans le monde virtuel? ».

L’utilisation des TIC, c’est-à-dire l’utilisation correcte et à bon escient des TIC, est une compétence incontournable du citoyen du monde d’aujourd’hui et de demain. Le droit d’auteur a fait (et fait toujours) l’objet d’une multitude d’écrits par les juristes, bien sûr, mais aussi, et de plus en plus, par une panoplie d’intervenants du milieu de l’enseignement pressés d’intégrer les TIC dans leur pédagogie tant par les pressions gouvernementales, sociales ou émergeant du milieu des affaires. Une simple et rapide recherche sur Internet avec les mots-clés « enseignement » et « TIC » donne par ailleurs une foule de résultats où il peut être difficile de se retrouver.

L’avènement des TIC, dont l’Internet, n’a pas modifié la nature des droits d’auteurs. Il n’en a qu’accéléré les occasions de l’enfreindre. Non seulement l’enseignant doit-il s’assurer de respecter, entre autres, les règles du droit d’auteur pour ne pas engager sa responsabilité ou celle de l’institution qui l’emploie, mais aussi, doit-il agir à titre de modèle à suivre par ses étudiants tant dans le cybermonde que dans la société non virtuelle.

Le présent document se veut un exercice de vulgarisation au bénéfice de mes collègues de classe, futurs enseignants au collégial. D’aucune façon les renseignements y étant énoncés doivent-ils être considérés comme une opinion juridique et ne sauraient remplacer l’expertise en ce qui concerne une situation particulière.

Le droit d’auteur

La raison d’être même du droit d’auteur consiste à encourager la création en protégeant les droits rattachés aux œuvres. Qu’est-ce qui en effet inciterait un auteur à rendre publique son œuvre s’il n’avait aucune chance d’en tirer personnellement profit, ni même au sens figuré, quiconque pouvant se l’approprier?

Au même titre que le dessin industriel, les marques de commerce ou le brevet d’invention, le droit d’auteur est du domaine de la propriété intellectuelle et relève de la compétence du gouvernement fédéral. La Loi sur le droit d’auteur
[1] (LDA) énonce notamment ce qu’est une œuvre, les droits de son auteur, ses exceptions d’application et les peines en cas d’infraction aux droits de l’auteur.

C’est
l’Office de la propriété intellectuelle du Canada qui est chargé de la supervision des droits d’auteur. On peut y faire une demande d’enregistrement de son droit d’auteur via le Bureau d’enregistrement des droits d’auteur. La Commission du droit d’auteur, l’organisme de réglementation établissant les redevances devant être versées par les sociétés de gestion collective[2], exerce une surveillance des ententes conclues avec ces dernières et peut délivrer une licence d’utilisation lorsque l’auteur d’une œuvre est introuvable.

La LDA accorde des droits à l’auteur d’une œuvre
[3]. L’œuvre n’est pas l’idée, mais bien l’expression de l’idée. Dans le cas d’un texte par exemple, ce sera l’agencement original que l’auteur effectue des mots, ou des faits, qui sera protégé par droit d’auteur, et non les mots ou les faits eux-mêmes. L’auteur d’une photographie d’un arbre verra sa photographie (l’œuvre) protégée par le droit d’auteur, et non l’arbre lui-même ou encore l’idée de photographier un arbre. L’œuvre devra être originale[4] pour que son auteur puisse bénéficier de la protection du droit d’auteur. L’originalité d’une œuvre ne se mesure pas en qualité – une œuvre extrêmement originale bénéficie de la même protection qu’une œuvre pas très originale, mais originale tout de même! Dès que son auteur a fait un certain effort créatif, l’œuvre sera qualifiée d’originale, en ce qu’elle n’aura pas été copiée.

La LDA prévoit à son article troisième les droits dont bénéficie l’auteur d’une œuvre :

« Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante (…) »

Notons que le Législateur mentionne à trois reprises « la totalité ou une partie importante de l’œuvre » dans un même paragraphe. Puisque les droits de l’auteur portent sur « la totalité ou une partie importante l’œuvre », il est permis de croire, par une interprétation a contrario, que les droits ne portent pas sur une partie non substantielle de l’œuvre. C’est pourquoi la citation, où le nom de l’auteur est mentionné, ne constitue pas une violation des droits de l’auteur. Il importe de spécifier ici qu’une « partie non substantielle » d’une œuvre doit non seulement être non substantielle d’un point de vue de sa quantité, mais aussi, doit-elle être non substantielle du point de vue de sa qualité
[5].

Les droits exclusifs à l’auteur d’une œuvre peuvent être divisés en deux catégories : les droits économiques et ceux dits moraux.

Les droits économiques dont bénéficient les auteurs d’une œuvre peuvent faire l’objet d’une cession totale ou partielle de l’œuvre et peut comporter des restrictions. Pour être valable, une telle cession doit nécessairement être concédée par écrit.

Le droit de communiquer au public sous-entend le droit de ne pas communiquer au public.

Les droits moraux sont incessibles. L’auteur d’une œuvre peut toutefois y renoncer, en tout ou en partie. La cession des droits économiques n’entraîne pas automatiquement la renonciation aux droits moraux.

Le droit moral à l’intégrité de l’œuvre consiste pour l’auteur au droit que son œuvre ne soit ni déformée, ni mutilée, ni autrement modifiée. La paternité d’une œuvre est le droit d’en revendiquer la création et ce, même sous un pseudonyme, ou encore le droit à garder l’anonymat. Le droit d’aval est celui que l’œuvre ne soit pas utilisée en relation avec une cause, un produit, un service ou une institution.

Les droits d’un auteur sont automatiques du moment que son œuvre est fixée et ce, indépendamment de la présence du sigle ã
[6], ou de son enregistrement[7]. La durée des droits d’auteur est généralement de cinquante ans suivant le décès de l’auteur[8]. Si l’auteur est inconnu, on calculera le délai de cinquante ans à compter de l’année de la première publication.

Après l’expiration de ce délai, l’œuvre devient du domaine public, c’est-à dire libre de droits.

Dans le cas où un auteur demeure introuvable et ce, même après un effort jugé raisonnable, la Commission du droit d’auteur peut émettre une licence non exclusive à celui qui le demande.

Les droits d’une œuvre créée dans le cadre des fonctions de son auteur, appartiendront à l’employeur de ce dernier, à moins de dispositions expresses contraires
[9].

La violation des droits d’auteur peut donner lieu à des recours civils (eg. injonction, dommages-intérêts) ou encore criminels, dans les cas où il y aura intention de porter préjudice (économique ou moral) à l’auteur.

Le droit d’auteur et l’enseignement

La LDA prévoit que « l’utilisation équitable d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur aux fins d’étude privée ou de recherche ne constitue pas une violation du droit d’auteur »
[10]. Cette exception au droit d’auteur, bien qu’elle s’applique à toute personne, est bien utile à l’enseignant ou à l’étudiant dans le cadre de ses travaux d’étude ou de recherche. Le terme « équitable » s’apprécie dans son contexte particulier. Les tribunaux en font une analyse selon le cas et il serait dangereux d’en tirer une règle générale.

Les établissements d’enseignement
[11] (ou les personnes agissant sous leur autorité) bénéficient également d’une certaine latitude à la condition que les actes soient faits à des fins pédagogiques et dans les locaux de l’établissement :

  • Reproduction manuscrite d’une œuvre sur un tableau
  • Reproduction d’une image de l’œuvre par rétroprojecteur (ou dispositif similaire)

Une exception similaire existe dans le cadre d’examen ou d’exercice de contrôle. Toutefois, ces exceptions au droit d’auteur tombent dès l’instant où l’œuvre utilisée est accessible commercialement sur un support approprié aux fins pédagogiques ou d’examen ou de contrôle.

Les établissements d’enseignement (ou les personnes agissant sous leur autorité) bénéficient également d’une certaine latitude en ce qui concerne la publication d’extraits d’œuvres protégées dans un recueil à la condition que :

  • Les extraits d’œuvres protégées publiés sont courts;
  • Les œuvres protégées ne sont pas destinées elles-mêmes à l’usage d’établissements d’enseignement;
  • Le recueil est principalement composé d’œuvres non protégées;
  • Le recueil sera à l’usage de l’établissement d’établissement et désigné comme tel dans son titre et les annonces de l’éditeur;
  • Les extraits ne représentent pas plus de deux passages tirés des œuvres d’un même auteur dans l’espace de cinq ans; et
  • La source de l’emprunt et le nom de l’auteur sont indiqués.

Il est clair que l’exception prévue à la LDA pour fins d’enseignement est d’application très limitée. Or, bien que les auteurs soient ainsi protégés, il est dérisoire de croire que les institutions d’enseignement disposent des ressources nécessaires pour obtenir les droits d’utilisation de toutes les œuvres pouvant accompagner les enseignants dans leur travail et les étudiants dans leurs apprentissages. Pour répondre aux besoins du milieu de l’enseignement tout en respectant ceux des auteurs, entre alors en jeu le mécanisme des redevances, géré par les différentes sociétés de gestion.

Une société de gestion est un organisme qui, comme son nom l’indique, gère collectivement les droits d’auteur de ses membres, détenteurs de ces droits, et qui l’ont autorisée à le faire. Dans le monde de l’éducation,
Cancopy (Canada) et Copibec (Québec) sont deux sociétés de gestion qui gèrent les droits d’auteur relatifs aux photocopies dans les écoles[12]. La liste complète des sociétés de gestion peut être consultée sur le site de la Commission du droit d’auteur. Ainsi, des redevances fixées par la Commission du droit d’auteur sont perçues par la société de gestion auprès de l’institution d’enseignement et sont redistribuées aux auteurs membres de cette société selon les termes de l’entente qui les lie[13].

Le droit d’auteur, l’enseignement et Internet

Nous l’avons vu, le droit de communiquer au public est un droit exclusif réservé à l’auteur d’une œuvre. Aussi, Internet n’étant qu’un moyen de communication au public, il convient d’établir le principe général voulant que ce qui s’y trouve est protégé par le droit d’auteur.

« La majeure partie du contenu d’Internet est protégée par le droit d’auteur. Cela comprend le texte (par exemple, les articles d’un groupe de nouvelles et le courrier électronique), les images, les photographies, la musique, les vidéoclips et les logiciels»
[14].

« Le travail d’un étudiant, le matériel pédagogique de l’enseignant, les textes rédigés pour présenter le site, pour expliquer son fonctionnement ou ses conditions d’utilisation, les commentaires… sont aussi des œuvres protégées par le droit d’auteur. (…) La présentation ou l’interface utilisateur d’une page ou d’un site web (séquence de présentation, l’accès aux menus et options, fenêtres de dialogues…) pourrait également jouir d’une certaine protection par le droit d’auteur, quoique moins complète que celle accordée au contenu de la page128. »
[15]

Rien ne porte à croire que l’exception au droit d’auteur prévue au bénéfice des établissements d’enseignement s’applique à Internet : « La Loi ne fait pas non plus allusion à Internet, du moins explicitement, (…) »
[16]. L’auteur poursuit en concluant :

« Ainsi, si un utilisateur ou une utilisatrice d’Internet reproduit sans autorisation une œuvre accessible dans un site Web (…), il ou elle viole le droit d’auteur, à moins qu’un avis ou une mention quelconque dans le site consulté n’autorise explicitement une telle utilisation. De la même manière, si quelqu’un reproduit sans autorisation une œuvre protégée par le droit d’auteur et la met en circulation sur Internet (par exemple à l’occasion de la création d’une page Web ou d’un site Web), il y a, là encore, violation du droit d’auteur tout simplement parce que la reproduction et la communication au public par télécommunication sont deux droits exclusifs du créateur ou de la créatrice de l’œuvre ou du titulaire ou de la titulaire du droit d’auteur sur celle-ci. »
[17],[18]

L’enseignant (ou l’institution d’enseignement) se voit donc dans l’obligation d’obtenir toutes les autorisations auprès des titulaires de droit d’auteur des œuvres qu’il entend utiliser, que ce soit des œuvres trouvées sur Internet ou des œuvres qu’il entend reproduire sur Internet. On comprend facilement qu’il s’agit là d’un travail fastidieux qui n’encourage en rien la libre circulation de l’information et des connaissances prônée par la société des savoirs d’aujourd’hui.

Nous serions tentés de croire que les sociétés de gestion de droits d’auteur pourraient être utiles dans la gestion des autorisations et des redevances lors de l’utilisation d’une œuvre protégée sur Internet. Or, « aucune de ces ententes ne permet d’utiliser des œuvres protégées accessibles sur Internet ou encore d’utiliser des œuvres protégées pour les rendre accessibles sur Internet »
[19]. L’entente avec Copibec par exemple, ne permet que la copie papier ou sur acétate.

Les enseignants pourraient-ils prétendre à l’exception de l’utilisation équitable prévue à l’article 29 de la LDA? Il semble que non. D’abord, la difficulté de savoir ce qui est équitable ou non rend l’utilisation de cette exception périlleuse. Ensuite, cette exception ne peut être soulevée que « pour des fins d’étude privée ou de recherche ». Or, il est clair qu’Internet, par son essence même, n’a rien de privé! Resterait donc la possibilité de reproduire, équitablement, une œuvre protégée pour des fins de recherche, dont la preuve difficile reste à faire par l’enseignant. L’enseignant se trouverait donc dans une position fortement inconfortable, vous en conviendrez…

Des pistes de solution à l’horizon

Tous s’entendent pour affirmer que le temps est venu d’effectuer une réforme du droit d’auteur canadien particulièrement en ce qui a trait à Internet et son utilisation encouragée en enseignement. Le Comité permanent du Patrimoine canadien a d’ailleurs été chargé d’examiner en profondeur la question et d’émettre les recommandations qui s’imposent. En mai dernier, ce comité rendait public le Rapport intérimaire sur la réforme du droit d’auteur
[20]. Tant les enseignants que les auteurs ont fait part de leur position au Comité. Les enseignants ont prétendu que :

« (..) Internet constitue, avant tout, un moyen de communication (…) la majorité des œuvres publiées sur le réseau sont créées par des personnes qui ne sont pas intéressées à faire valoir leurs droits d’auteur et n’attendent pas de redevance. (…) le matériel proposé sur Internet peut, dès le départ, avoir pour objectif d’être « publiquement accessible », c’est-à-dire être mis gratuitement à la disposition du public. (…) C’est pourquoi les éducateurs ont proposé d’étendre la portée de l’exemption « d’utilisation équitable » (…) afin de couvrir l’utilisation du matériel « publiquement accessible » copié sur Internet à des fins éducatives. »
[21]

Les auteurs se sont empressés de prétendre que :

« Les détenteurs de droits d’auteur souhaitent encourager l’exploitation d’Internet à des fins éducatives et considèrent ce réseau comme un moyen de communication important, grâce auquel ils peuvent diffuser leurs travaux au sein du milieu de l’enseignement. Cependant, ils allèguent que les utilisateurs d’Internet ne peuvent pas partir du principe selon lequel le matériel disponible sur Internet est gratuit, en ce sens qu’il serait à la fois accessible au public et offert gratuitement. Ils estiment également que le fait de mettre purement et simplement des travaux à la disposition du public sur Internet n’équivaut pas à un abandon des droits d’auteur. (…) De plus, les auteurs estiment que les droits moraux ne sont pas protégés adéquatement sur Internet. »
[22]

Les sociétés de gestion collective ont donc proposé qu’un amendement soit apporté à la LDA
[23] afin que le mécanisme de licences applicable aujourd’hui aux imprimés à des fins éducatives, soit étendu aux œuvres provenant d’Internet.

Le Comité a rejeté la prétention voulant qu’en l’absence d’une mention expresse, une œuvre sur Internet serait libre de droits. Nous sommes du même avis puisque le contraire aurait contrevenu à l’esprit même de la LDA, sans compter qu’un auteur ne serait pas ainsi encouragé à publier ses œuvres sur Internet, ce qui limiterait la circulation des savoirs.

Le Comité recommande donc une modification à la LDA pour permettre aux établissements d’enseignement d’obtenir une licence générale pour utiliser du matériel protégé sur Internet. Une société de gestion collective pourrait représenter un répertoire du matériel Internet.

« Ce régime d’octroi de licences reconnaîtrait que certains types d’œuvres protégées peuvent être publiés sur Internet par le détenteur du droit d’auteur, sans attente de paiement. On pourrait se servir de méthodes d’échantillonnage et de données statistiques sur le téléchargement pour s’assurer que les établissements d’enseignement ne paient pas pour utiliser du matériel diffusé sur Internet que le détenteur du droit d’auteur avait l’intention de mettre gratuitement à la disposition du public. Il serait nécessaire de prendre en considération la portée de ces licences du point de vue des types d’œuvres qu’elles concernent et des utilisations qu’elles autorisent. »
[24]

Le Comité poursuit en proposant qu’une définition claire de ce qui constitue du « matériel disponible publiquement » soit adoptée par le Législateur et que ce dernier précise qu’une éventuelle société de gestion collective ne pourrait exiger de redevances pour un tel matériel.

L’adoption de cette recommandation solutionnerait la problématique soulevée par la reproduction du matériel retrouvé sur Internet et ce, à des fins pédagogiques dans les locaux de l’établissement d’enseignement. Reste toutefois celle, grandissante, de l’utilisation par les institutions d’enseignement (et leurs enseignants) de matériel protégé en dehors des lieux physiques de l’établissement d’enseignement.

« Outre les sites Web où on trouve des ressources et des copies de matériel didactique, on a recours aux technologies d’information et de communication afin de faciliter le partage de documents en ligne, les échanges dans les groupes de discussion, la correspondance électronique des étudiants et les discussions dans les forums. Ces technologies s’appliquent tant aux étudiants sur le campus qu’à ceux qui suivent des cours de formation à distance (…) Les exemptions actuelles prévues par la Loi sur le droit d’auteur ne permettent toutefois pas la reproduction numérique du matériel scolaire ni sa communication par le biais d’Internet (…) »
[25]

Nous comprenons de la recommandation du Comité que le régime d’octroi de licences étendues à l’utilisation du matériel accessible sur Internet à des fins éducatives pourrait être formulé de manière à englober les utilisations d’un tel matériel en dehors des lieux physiques de l’établissement d’enseignement. Ainsi, les lieux virtuels d’enseignement seraient couverts par les modalités d’une telle licence et les redevances fixées par la Commission seraient gérées par la société de gestion.

Conclusion

Le droit d’auteur, bien que très important, ne constitue qu’une partie du droit encadrant les TIC en enseignement collégial. L’atteinte à la vie privée et à la réputation, le contenu à caractère sexuel, la pornographie, l’incitation à la haine, la discrimination, la responsabilité des hébergeurs, le devoir de surveillance virtuelle des enseignants, etc. sont autant d’autres sujets qui valent la peine de s’y arrêter.

Le droit d’auteur est toutefois le sujet de l’heure et le gouvernement fédéral s’apprête à réformer le droit d’auteur afin de l’actualiser à la réalité virtuelle en milieu d’enseignement. D’ici là, l’enseignant qui utilise les TIC doit faire preuve d’une grande prudence pour ne pas engager sa responsabilité ni celle de l’institution qui l’emploie.

Nos recommandons à l’enseignant qui utilise les TIC dans son enseignement de :

  • Prendre connaissance des politiques relatives aux TIC établies par son institution d’enseignement ;
  • Reproduire les politiques pertinentes (ou faire les hyperliens nécessaires) dans les conditions d’utilisation du site web du cours ;
  • Énoncer clairement quelle est la « netiquette » applicable dans le cadre du cours (échange de courriels, de documents entre étudiants, navigation à partir du serveur de l’institution, etc.) ;
  • Expliquer ces politiques aux étudiants dès la première rencontre et les rappeler lorsque nécessaire (au moment d’entreprendre un travail de recherche par exemple) ;
  • Donner l’exemple : citer les sources, obtenir les permissions d’utiliser des œuvres lorsque nécessaire et en cas de doute, s’abstenir!

Bref, créons dans nos salles de classe, réelles ou virtuelles, un environnement d’apprentissage conforme à l’acquisition par nos étudiants de cette compétence incontournable qu’est l’utilisation responsable et efficiente des TIC.

Nous invitons le lecteur à consulter le Guide des droits sur Internet, site du gouvernement du Québec où l’on retrouve facilement, entre autres, toutes les informations pertinentes au droit d’auteur sur Internet.

Notes

[1] Loi sur droit d’auteur (L.R., 1985 ch. C-42). Disponible à http://lois.justice.gc.ca/fr/C-42/

[2] Voir ce qu’est une société de gestion, infra, p. 5

[3] LDA, article 3.

[4] LDA, article 5.

[5] « la partie importante d’une œuvre n’étant pas définie dans la Loi, elle devra donc être évaluée selon le contexte; il est certain, cependant, que celle-ci ne s’apprécie pas uniquement en terme de quantité, mais renvoie aussi à l’aspect qualitatif de l’emprunt. » BARIBEAU, Marc, Principes généraux de la Loi sur le droit d’auteur, Québec, Publications du Québec, 2001, page 13.

[6] On fait suivre le signe ã de l’année de la première publication (ou de sa création si elle n’est pas publiée) et du nom du titulaire du droit d’auteur.

[7] Au Canada, l’enregistrement de son droit n’est pas nécessaire pour qu’il soit valable. On enregistrera son droit pour éventuellement en faciliter la preuve en cas de litige, ou encore pour bénéficier d’une protection à l’étranger, où l’enregistrement peut être obligatoire pour faire valoir ses droits d’auteur.

[8] Certains délais peuvent être différents dans des cas particuliers comme la photographie ou un droit d’auteur détenu par une personne morale, etc.

[9] Une exception à ce principe est prévue dans la LDA dans le cas d’une publication dans un journal, revue ou périodique où dès lors, les droits reviennent à son auteur.

[10] LDA, article 29.

[11] La LDA définit un établissement d’enseignement comme un établissement sans but lucratif et reconnu comme tel aux termes des lois fédérales ou provinciales.

[12] Ententes disponibles sur le site du ministère de l'Éducation du Québec

[13] L’enseignant intéressé à en savoir davantage sur cette question est invité à prendre connaissance de NOEL, Wanda et BREAU Gérald, Le droit d’auteur… ça compte! Questions et réponses à l’intention du personnel enseignant, Conseil des ministres de l’Éducation. Septembre 2000, 15 pages et disponible entre autres sur le site de la Fédération canadienne des enseignants et du Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) de même que BARIBEAU, Marc et LAURENDEAU, Jacques, Les exceptions à la Loi sur le droit d’auteur (L.R.C., c. C-42) concernant les établissements d’enseignement, Février 2004 disponible sur le site du ministère de l'Éducation du Québec

[14] NOEL, Wanda, id., p. 12 et repris par TRUDEL, Pierre et ABRAN, France, Guide pour gérer les aspects juridiques d’Internet en milieu scolaire, Centre de recherche en droit public, Chaire L.R. Wilson sur le droit des technologies de l’information et du commerce électronique, Faculté de droit, Université de Montréal, Septembre 2004, page 93 où les auteurs ajoutent les forums et les listes de liens hypertextes. Texte disponible sur http://www.droitsurinternet.ca/

[15] TRUDEL et ABRAN, id. p.93 où les auteurs réfèrent le lecteur à BERTRAND, Lise, « L’œuvre multimédia et le droit d’auteur », Service de formation permanente, Barreau du Québec, Développements récents en propriété intellectuelle, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 2000, pages 165 à 193.

[16] LAURENDEAU, Jacques, Internet et le droit d’auteur, Direction des ressources didactiques du ministère de l’Éducation, Janvier 2000. http://www.meq.gouv.qc.ca/drd/aut/internet.html

[17] Idem.

[18] TRUDEL et ABRAN, op. cit., note 15, p. 50 où les auteurs soulèvent une possible nuance au principe qu’Internet est nécessairement une communication publique. Une communication au public en est une à l’extérieur du cadre domestique (selon une décision de la Commission du droit d’auteur le 27 octobre 1999) et une classe pourrait faire partie du cadre domestique. Ainsi, une communication faite exclusivement aux étudiants d’une même classe (par exemple à l’intérieur d’un site Intranet protégé par mot de passe) pourrait ne pas constituer une violation au droit de l’auteur de rendre publique son œuvre, bien qu’il puisse s’agir d’une violation au droit exclusif qu’a l’auteur de reproduire son œuvre. Cette nuance pourrait être utile dans la détermination, par exemple, des dommages-intérêts accordés à l’auteur ainsi lésé.

[19] Idem.

[20] CHAMBRE DES COMMUNES, Rapport intérimaire sur la réforme du droit d’auteur, Rapport du Comité permanent du patrimoine canadien, Patrimoine Canada, Mai 2004 disponible sur http://www.canadianheritage.gc.ca/progs

[21] Idem.

[22] Idem.

[23] Plus particulièrement à l’article 70 de la LDA.

[24] Idem.

[25] Op. cit., note 20.


Médiagraphie

BARIBEAU, Marc, Principes généraux de la Loi sur le droit d’auteur, Québec, Publications du Québec, 2001.

BARIBEAU, Marc et LAURENDEAU, Jacques, Les exceptions à la Loi sur le droit d’auteur (L.R.C., c. C-42) concernant les établissements d’enseignement, Février 2004.

BERTRAND, Lise, « L’œuvre multimédia et le droit d’auteur », Service de formation permanente, Barreau du Québec, Développements récents en propriété intellectuelle, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 2000.

Cancopy

CHAMBRE DES COMMUNES, Rapport intérimaire sur la réforme du droit d’auteur, Rapport du Comité permanent du patrimoine canadien, Patrimoine Canada, Mai 2004.

Commission du droit d’auteur

Conseil des ministres de l'Éducation (Canada)

Copibec

Ententes conclues avec les sociétés de gestion disponibles sur le site du
ministère de l’Éducation du Québec.

Fédération canadienne des enseignants

Guide des droits sur Internet

LAURENDEAU, Jacques, Internet et le droit d’auteur, Direction des ressources didactiques du ministère de l’Éducation, Janvier 2000.

Loi sur droit d’auteur (L.R., 1985 ch. C-42).

NOEL, Wanda et BREAU Gérald, Le droit d’auteur… ça compte! Questions et réponses à l’intention du personnel enseignant, Conseil des ministres de l’Éducation. Septembre 2000, 15 pages.

Office de la propriété intellectuelle du Canada

TRUDEL, Pierre et ABRAN, France, Guide pour gérer les aspects juridiques d’Internet en milieu scolaire, Centre de recherche en droit public, Chaire L.R. Wilson sur le droit des technologies de l’information et du commerce électronique, Faculté de droit, Université de Montréal, Septembre 2004.