2006-02-09

Drosofly : un laboratoire virtuel pour l’étude de la génétique chez la drosophile

(c) 2005. François Veillette.

Qu’est-ce que Drosofly?

Le programme Drosofly est un simulateur expérimental à vocation pédagogique servant à faire l’étude statistique de la transmission des caractères morphologiques héréditaires chez la drosophile. La drosophile, mieux connue sous le nom de mouche à fruits, est un petit insecte très commun dont le nom scientifique est Drosophila melanogaster. Elle fut utilisée dès 1900 par T.H. Morgan et ses collaborateurs comme matériel biologique pour l'étude de la génétique des organismes diploïdes (Morgan, 1910).

Parmi les domaines d'application où les ordinateurs peuvent apporter un réel support pédagogique, les simulations d'expériences de laboratoires peuvent être très appropriées. En effet, les professeurs qui enseignent des matières scientifiques savent bien que les méthodes pédagogiques les plus efficaces sont celles qui mobilisent au maximum l'activité de l'élève en classe, comme c'est le cas lors de séances de travaux pratiques. C'est lorsqu'il agit que l'élève développe de véritables compétences. L'élève qui utilise un programme de simulation d'expérience bien conçu peut être extrêmement actif. Les environnements multimédias ou hypermédias utilisés dans les nouveaux logiciels de simulation ne cherchent pas, comme le font les exerciseurs, à provoquer une réponse à un stimulus, mais à conduire l’élève à structurer des informations afin de l’amener à construire une réponse adaptée à la situation. Ces outils s’appuient sur les théories constructivistes de l’apprentissage qui préconisent des démarches actives de l’élève dans l’appropriation des connaissances (Inchauspé, 2001). Il se trouve également plongé dans une situation de travail assez proche de celle qu'il peut vivre dans un vrai laboratoire. Les nombreux avantages de l’utilisation d’un logiciel de simulation comme Drosofly sont :



  • Les expériences irréalisables concrètement pour plusieurs raisons (coût trop élevé, durée d'expérimentation trop longue, habileté insuffisante des élèves, etc.) deviennent maintenant possibles.
  • La situation expérimentale peut être simplifiée parce que les opérations à effectuer sont en tous cas plus faciles et plus rapides que l’expérience elle-même.
  • L'expérimentateur ne court aucun risque en cas de fausse manœuvre.
  • L'ordinateur peut guider l'élève et mémoriser le travail accompli.
  • L'étudiant dispose d'une liberté d'investigation qui ne lui est que très rarement octroyée au cours d’une vraie séance de travaux pratiques. Il peut décider lui-même de sa stratégie expérimentale, procéder par tâtonnements et recommencer un grand nombre de fois, en un mot effectuer une véritable recherche.
  • L'ordinateur lui permet de se tromper sans pénalité autre qu’un peu de temps.
Par contre, la simulation expérimentale n'est pas un substitut facile de l'expérimentation concrète. Elle est plutôt un complément ou un prolongement de celle-ci, avec des qualités pédagogiques qui lui sont propres. Drosofly est un programme de simulation expérimentale très sophistiqué, destiné à l'apprentissage des lois de Mendel de la transmission héréditaire, dans le cadre d’un cours de biologie générale (Campbell, 1995). Ce programme est destiné en premier lieu à compléter des travaux de laboratoire concrets, soit qu'il serve à les préparer, à accroître le nombre de données soumises à la réflexion des étudiants, ou même comme outil d'évaluation finale. Il peut éventuellement aussi être utilisé en remplacement d'expériences concrètes, dans le cas où celles-ci ne seraient pas réalisables. Il est cependant fortement conseillé, si possible, d’élever de vraies colonies de drosophiles afin que le contact de l'élève avec le vivant reste un objectif majeur du cours de biologie au collégial.

Il est même possible de faire réaliser concrètement par les élèves la plupart des croisements simulés dans Drosofly. On peut mener à bien ces élevages dans de simples bocaux car la préparation du milieu de culture est aisée et l'on peut se procurer facilement les différentes souches pures de drosophiles auprès d'un laboratoire de génétique universitaire. Ces manipulations concrètes ont une immense valeur pédagogique. Il est tout à fait envisageable de laisser aux élèves une liberté quasi totale pour la conduite des opérations, ce qui exigera d'eux un effort de réflexion extrêmement profitable, en particulier pour l'élaboration d'une stratégie expérimentale et pour l'organisation du travail. Cette manière de procéder présente également l'avantage d'apprendre aux étudiants à structurer par eux-mêmes les connaissances acquises, en s'aidant bien évidemment des écrits disponibles (Francis, 2003). On peut mieux encore préciser l'exigence et les buts à atteindre, en leur fournissant des exercices types, sous la forme de quiz par exemple, et en fixant à l'avance avec eux un calendrier des évaluations.

Un programme de simulation tel que Drosofly permet aux élèves de rester constamment actifs, de tester la validité de leur démarche expérimentale, de comparer leurs résultats concrets avec les prévisions théoriques, et surtout de simuler de nombreux croisements supplémentaires. Drosofly est alors pour eux à la fois un guide, un banc d'essai et une base de données. Bien entendu, la simulation peut également servir de substitut à de véritables expériences, dans les classes qui ne disposent pas d'assez de ressources pour des séances de travaux pratiques. Les situations prévues dans le simulateur permettent de mettre en évidence : les lois de Mendel, les phénomènes de dominance et de semi-dominance, la théorie chromosomique de l'hérédité, les phénomènes de linkage, de crossing-over, l'hérédité liée au sexe et l'interaction génique (Swinnen, 2000).

L'utilisation de ce logiciel par les élèves peut les aider à découvrir les premières lois de la génétique d'une manière très active et attrayante, et aussi leur permettre d'exercer des compétences opérationnelles. La complexité des manipulations à réaliser devrait leur faire prendre conscience qu'il est nécessaire de bien organiser son travail lorsque l'on pratique une recherche expérimentale. On aura compris qu'il faut gérer plusieurs flacons à la fois, pour y installer d'abord les races pures obtenues du fournisseur, et ensuite les géniteurs du croisement entrepris. Il est particulièrement intéressant de lancer le même croisement en parallèle dans plusieurs flacons, et de comparer les résultats ainsi obtenus. L'élève devra réaliser qu'il lui faut décider d’une méthode de progression rigoureuse parce qu'il va explorer un grand nombre d'exemples en un temps très court, et enfin parce que le logiciel peut être conçu pour obliger l'étudiant à confronter ses « théories naïves » aux théories scientifiques (Hebenstreit, 1992). Une des particularités essentielles de ce programme est que les différents phénotypes obtenus en résultat d'un croisement sont montrés, et non pas décrits. Cela est très important parce que cela signifie que l'élève doit donc obligatoirement analyser l'image qui lui est présentée à l'écran, pour essayer de comprendre ce qui se passe, tout à fait comme dans une véritable expérience.

Une simulation comme celle-ci doit absolument éviter de présenter à l'élève les conclusions parce qu’il doit les tirer lui-même, quitte à ce qu'il se trompe! Un logiciel à vocation pédagogique doit obliger l'élève à réfléchir, et non pas réfléchir à sa place. Une évaluation en situation « authentique » correspond à une situation de travail qui ne doit donc pas répéter ce qu’il a appris, mais accomplir une tâche complexe et intégratrice à partir de ce qu’il a appris. Cette tâche doit permettre la résolution de problèmes, laisser à l’élève la possibilité d’avancer dans la recherche de solutions par essai et erreur, lui offrir la possibilité de tenter des ajustements, lui demander de s’adapter à de nouveaux cas et à de nouvelles situations. Elle peut amener l’élève à explorer d’autres avenues et comporter une part de création, voire d’innovation (Lussier, 2004).

Pour que ces concepts soient bien mis en évidence, cependant, et aussi pour qu'ils puissent être suffisamment structurés en vue de leur mémorisation, il importe de donner à l'élève quelques directives. L’enseignant devra notamment insister sur l'importance de la prise de notes en cours de travail : il faut noter les observations, les hypothèses à vérifier, les actions entreprises, ainsi que leur résultat. Il semble essentiel que l'élève soit tenu de rédiger un rapport de travail. En effet, si l'on veut exploiter convenablement les potentialités du logiciel, il faut laisser aux élèves la possibilité de travailler plusieurs heures avec Drosofly. Ce long travail doit se concrétiser dans la rédaction d'un texte, ne serait-ce que pour prouver que les heures consacrées à cette activité ont été profitables. Il est important d'apprendre aux élèves à produire de tels rapports, de les vouloir assez ambitieux, d'en exiger une présentation soignée. Ce genre de travail est valorisant en lui-même pour l'élève, et le professeur ne devra pas craindre de lui attribuer une importance suffisante dans son évaluation finale puisqu’il s’agit d’une forme d’évaluation authentique (Louis, 2004). Les élèves doivent pouvoir utiliser le logiciel de manière très libre : il faut en effet leur laisser réellement découvrir et explorer la simulation. Il sera bon, toutefois, d'entrecouper ces séances d'expérimentation libre aux commandes du logiciel de quelques mises en commun (ou ‘debriefing’) sous la direction de l’enseignant (Chamberland, 2003).

Voudriez-vous l’essayer dans votre classe?

Il est très facile de se procurer une licence d'utilisateur de Drosofly pour environ 300$ auprès du distributeur canadien (voir la note 1) de ce didacticiel utilisé partout dans le monde ou de télécharger une version démonstrateur directement d’Internet (Swinnen, 2000).

Bibliographie

Campbell, N. (1995) Biologie. St-Laurent : Éditions du Renouveau Pédagogique, p.280.

Chamberland, G., Lavoie, L., Marquis, D. (2003) 20 formules pédagogiques. Ste-Foy : Les Presses de l’Université du Québec, p.81-86.

Francis, A., Couture, M. (2003) Credibility of a Simulation-Based Virtual Laboratory : An Exploratory Study of Learner Judgements of Verisimilitude. Journal of Interactive Learning Research. 14(4):439-64.

Hebenstreit, J. (1992) Une rencontre du troisième type : simulation et pédagogie. Paru dans L'intégration de l'informatique dans l'enseignement et la formation des enseignants, actes du colloque les 28-29-30 janvier 1992 au CREPS de Châtenay-Malabry, INRP-EPI, Paris, 286 p.

Inchauspé, P. (2001) Le cégep en l’an 2010 : la pédagogie au bout des doigts ou le collège en ligne. 14e Colloque de l’association pour les applications pédagogiques de l’ordinateur au post-secondaire. Collège Édouard-Montpetit, Longueil.

Louis, R. (2004) L’évaluation des apprentissages en classe : théorie et pratique. Laval : Éditions Beauchemin, p.77-106.

Lussier, O., Allaire H. (2004) L’évaluation authentique. Pédagogie Collégiale. 17(3), p.29-30.

Morgan, T. H. (1910) Sex Limited Inheritance in Drosophila. Science. 32, 120-122.

Swinnen, G. (2000). Drosofly. [Consulté le 24 mars 2005] à l’adresse http://www.ulg.ac.be/cifen/inforef/swi/drosolab.htm

Note 1. Diffusion Multimedia Inc., 1200, avenue Papineau, bureau 321, Montréal (Québec), H2K 4R5